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Artiste - Homme - 83 ans
Montgeron (Ile-de-France), France
Siret 54005496200019 - MDA B801763
Interview de Quat'sous par Artisteo.com
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Depuis quand créez vous et quel a été le déclic?

Quat'sous
Si créer c'est avoir le geste de modifier la matière pour faire exister du nouveau, il y a très longtemps que je m'y adonne, sous la forme de nombreux tâtonnements et bricolages dès mon enfance, en imitation des artisans de village que je fréquentais avec une insatiable curiosité : cordonnier ou maréchal ferrant, bourrelier ou charron, charpentier et autres forgerons ou boulangers, tous ces gestes me captivaient, certains parfois m'autorisaient à leur prêter une main... Couteau de poche en main, je me taillais des canes aux reliefs de plus en plus sophistiqués. Le dessin, la peinture, le modelage ont été pour moi des apprentissages incessants, adolescent je partais en vélo avec mon chevalet et ramenais des pochades, je reproduisais des toiles d'Utrillo, recopiais des Clouet, dessinais des bustes de Rodin, visitais Lascaux, envoûté par sa magie (en vrai, plusieurs fois) mais aussi châteaux et églises, impressionné par les chapiteaux romans et les dentelles gothiques, les émaux cloisonnés des trésors de cathédrales, les Vierges noires et les bois polychromes. A vrai dire, je recevais un héritage formidable et l'envie de m'inscrire dans ces lignées : ce serait entrer dans la vraie création, celle qui, dans la matière, fait apparaître du sens, celle dont le geste est un langage.

Le déclic, comme vous dites, est venu plus tard, après une longue interruption pour des études de médecine, puis psychiatrie et psychanalyse, la traversée d'une lourde crise existentielle : j'avais la trentaine, un bois ramassé dans un torrent s'est transformé sous mes ciseaux en Vierge à l'Enfant, elle le sauvait dans la traversée du torrent, et je n'ai plus cessé depuis de ramasser et transformer.

Quels sont les artistes que vous aimez et dans quelle famille artistique vous situez vous?

Dali déploie une approche onirique qui me captive, le surréalisme est fils de la psychanalyse, mais aussi Max Ernst et sa femme 100 têtes qui garde son secret. Brancusi fait sentir sa présence dans la tension entre socle travaillé et élément sculpté en geste classique, jusqu'à sa colonne sans fin, support du regard montant au ciel. Le Bernin fait vivre une présence bouleversante dans son David, plus forte pour moi que la dominance écrasante du Moïse de Michel Ange. Tinguely dans sa Fontaine de Bâle ouvre une vaste méditation poétique en mouvement qui y pleure de rire. Les grands gestes d'architecture actuelle me touchent, créant des espaces où s'éprouver être, la rencontre des bois de Pénone organisent ma propre présence physique dans le vis à vis de leur dépouillement.. De là à savoir dans quelle famille me situer, je crois mes visiteurs mieux placés pour le dire; singulier, sûrement mais sinon...?

Avez-vous un atelier et comment travaillez-vous : photo, plein air, d'après une idée, un sentiment, une émotion?

Exposition personnelle dans un espace de charpentes
Mon atelier envahit le sous-sol de mon pavillon, la galerie en remplit le comble : je ramasse des bois et ne travaille qu'en taille directe, à main levée, gouges ciseaux et massette, j'explore chaque pièce à la recherche d'une présence que j'y ressens bien avant de pouvoir la préciser, c'est cette découverte d'un déjà là masqué qui me passionne, du sens surgit de l'inerte. C'est avec des bois à taille humaine que je fais les plus belles recherches et rencontres. Je travaille en musique, cette double respiration du geste artisanal et du fond lyrique libère en moi une forme de pensée, loin de l'intellect, d'un flottement proche de l'onirique.

Quelle est votre technique et comment a-t-elle évolué?

Ma technique s'est évidemment affinée au fil de sa pratique, je reste toujours longtemps dans la rencontre de chaque pièce en transformation avant qu'elle ne s'impose comme aboutie : ce bois là est sculpté, voilà, une présence m'y touche que je crois rendre sensible, mais comment le présenter pour la faire parler? Un second temps s'ouvre, parfois très long aussi, une interface architecturée est nécessaire pour le mettre en espace, tous matériaux sont ici susceptibles de faire le job, et alors seulement cette oeuvre va se détacher du travail, du recul va rendre possible de la nommer puis de la montrer.

Parlez nous de votre vie d'artiste, des difficultés et des bonheurs que vous avez rencontrés.

Le travail du bois est pour beaucoup perçu d'emblée comme trivial et facile, leur regard glisse sur l'objet sans le voir, catalogué avec mépris au premier regard. C'est certes sa modestie qui fait toute la noblesse de ce compagnon de tous temps de l'humanité, bois de feu et bois d'oeuvre, d'ébéniste et de marqueterie, bois sculptés, bois sacrés, de la Croix aux bûchers, bois de lits et bois de justice... Mais ce matériau vivant est omniprésent, y rencontrer les lignes de force qui l'animent, les esprits qui l'habitent, les rendre sensibles à la frontière de l'animisme, toute une émotion ouvre les portes au delà de la matière par son enracinement dans l'éternité de ce compagnonnage, le bonheur est grand d'en accoucher d'une nouvelle figure.

Qu'espérez vous apporter aux autres au travers de votre art?

Autoportrait
J'ai longtemps pensé que mon temps professionnel d'analyste avec les enfants me privait de celui d'être à mon atelier, puis j'ai réalisé qu'en fait ces rencontres des inconscients en travail, dans la formation de leur personnalité avec ces enfants, était une source vive pour une créativité. J'espère inviter mes visiteurs à ressentir en eux l'émotion de ce surgissement d'un sens dans la matière, à l'image de ce qu'il nous arrive à tous de vivre dans notre être même : mais on n'est pas de bois ! Beaucoup s'attendent, pensant sculpture, à regarder un objet, identifié rangé au premier coup d'oeil comme représentation plus ou moins stylisée de telle ou telle figuration connue (un corps, un oiseau...).

Devant une de mes pièces, j'aimerais qu'ils éprouvent une interrogation subjective d'éveil de sentiments; pas nécessairement ceux qui m'ont fait travailler et que je ne saurais exprimer autrement que dans cette oeuvre, que je connais mieux après l'avoir achevée, mais des ressentis qui soient en écho pour chacun d'eux avec leur propre fonds personnel et culturel, qu'ils en ressentent frémir des dimensions qu'ils s'ignoraient, comme je l'ai fait au cours du travail, dans l'ordre du partage de notre foncier humain universel remis en langage singulier par chacun d'entre nous.

Où exposez vous et quels sont vos projets?

J'ai longtemps hésité à me montrer au delà des cercles amicaux à l'atelier, je suis entré ensuite dans les milieux associatifs locaux dans des communes environnantes de ma banlieue et j'ai découvert l'enrichissement des rencontres autour de mes bois, de leur confrontation aux oeuvres des autres exposants. Je préfère les expo de sculptures aux expo mixtes, qui n'en restent pas moins les plus fréquentes : peinture et sculpture sont, selon mon expérience, des démarches très différentes tant pour l'artiste que pour l'art-mateur; pour faire court, la peinture mobilise de l'imaginaire dans un registre intellectualisé, dès l'anecdote jusqu'au conceptuel, la beauté est dans l'équilibre subtil des formes et couleurs, un autre regard sur du déjà familier, alors que la sculpture occupe votre espace physiquement dans une rencontre qui vous sollicite corporellement : vous ne la voyez jamais en entier dans un champ visuel, vous devez tourner autour et parfois découvrir des éléments inattendus ou contradictoires de l'autre côté et qui modifient ce que vous en perceviez d'abord, des tensions circulent sous ces surfaces courbes, vous obligent à construire une cohérence qui n'est pas donnée d'emblée, la beauté est dans ce geste spatial... J'ai aussi eu la chance d'expo personnelles organisées par des institutionnels, mairies surtout mais aussi Eaux et Forêts. Quelques années de présence aux Artistes Français m'ont valu des invitations en province, biennales de sculptures notamment...

Vincent Balmès - Bois sculptés

Quel est votre regard sur l'art d'aujourd'hui et de manière générale, que pensez-vous de la place de l'art dans la société?

L'artiste
J'ai éprouvé dans ce parcours le très grand foisonnement et besoin d'art qui agite notre société, le nombre d'amateurs qui s'y consacrent est impressionnant, le niveau est certes très divers, mais ce besoin de faire est une demande d'ouverture d'une dimension alternative au trivial du quotidien, de vivre autre chose en soi et devant les autres. La quête d'identification aux professionnels admirés est envahissante, les suiveurs veulent se sentir de ce monde là, même à leur très modeste mesure, on court les expos des grands, on en retraduit l'émotion à son tour chez soi, c'est plus accessible que l'acquisition d'une oeuvre et ça permet tout de même de participer d'un ré-enchantement du monde. Il y a les grands guides et les petits maîtres, et puis des faiseurs aussi, il faut de tout pour faire ce monde !

Quels sont les expositions récentes qui vous ont marqué?

Je n'ai malheureusement pas la disponibilité de fréquenter toutes les expos que je vois annoncer. Pour m'en tenir aux sculpteurs, le travail et le parcours de Louise Bourgeois, ou encore de Joseph Beuys, m'ont très fortement impressionnés et interpellés dans cette monstration d'un univers intérieur offert en dévoilement, l'Art Brut à La Maison Rouge ouvre un espace mythique où j'aimerais trouver ma place, la question n'est pas là d'aimer ou ne pas aimer, c'est une rencontre qui sollicite l'être à du plus grand que soi. La galerie du Temps, au Louvre Lens vaut le détour pour la nouveauté du geste muséal.

Quel serait le plus grand bonheur qui pourrait vous arriver en tant qu'artiste?

Si dans 3000 ans, des anthropologues trouvent une de mes pièces et y voient un anonyme du passage du XX° au XXI° siècle, représentatif du courant de pensée qui défendait encore un ré-enchantement du monde contre la concrétude financière triomphante, je n'aurais pas oeuvré en vain ! Et surtout si ce courant a pu se maintenir jusque là !
De façon plus immédiate, que toutes mes pièces partent vivre leur vie loin de moi auprès de gens qui les aiment serait le rêve que je crois partager avec tous les artistes.

Commentaires
Lez'arts galerie > Bonjour ayant lu votre parcours si vous voulez exposer trois sculptures pas trop grande je trouve le bois une matiere noble je vous propose d'exposer en juillet chez moi a lez'arts galerie a Etoile mon tel 06 31 84 62 27
cordialement Dominique Vinay
Le 30-04-2015
Gil'ber Pautler > Superbe travail et imagination fabuleuse pour ces sculptures phénoménales Le 01-05-2015
Expert artisteo > Belle interview riche d'enseignements, d'ouvertures, bravo, Brigitte camus Le 13-05-2015
COMMARMOND Jacques > Magnifique artiste tout en finesse et profondeur Le 06-04-2016
Midora > Une très grande force de vie, j'aime particulièrement "vivarium " et "déjà Socrate " Le 05-02-2017
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